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Technique
Le houblon : une culture atypique adaptée au Tarn

Les 16 et 17 juillet, plusieurs producteurs et porteurs de projets ont visité une houblonnière bio de Haute-Garonne. Les besoins à l’échelle régionale pourraient profiter d’une filière locale.

Le houblon est un ingrédient indispensable à la bière pour lui prodiguer des propriétés aromatiques mais aussi amérisantes et conservatrices. Face à l’explosion du nombre de brasseries partout en France, la filière houblon se renouvelle. Les participants de la réunion de la mi-juillet venaient du Tarn et de toute la région. L’objectif était de se former sur cette culture grâce à l’intervention de l’association Houblons de France organisée par la FRCIVAM Occitanie. Tour d’horizon de ce qu’il faut savoir sur cette culture.

Un contexte propice

Le houblon est historiquement cultivé en Alsace et dans le Nord de la France via des coopératives. Les géants de la production mondiale sont les États-Unis et l’Allemagne, mais malgré ses quelques 500 ha de culture, la France est dans le top 10 des pays producteurs de houblons. Aujourd’hui, environ 70% de la production française est destinée à l’export, alors que la demande locale ne fait qu’augmenter (le nombre de brasseries a été multiplié par 4 ces 10 dernières années). De plus, l’évolution du cahier des charges de l’agriculture biologique va bientôt rendre obligatoire l’utilisation de houblons AB pour les bières bio (dérogations jusqu’à présent à cause du manque de disponibilité). Ceci laisse présager de forts besoins en houblons bios au niveau français voire local avec des brasseurs qui accordent de plus en plus d’importance à l’origine de leurs matières premières. Plusieurs houblonnières existent déjà dans le Tarn mais essentiellement pour de l’auto-consommation (paysans-brasseurs).

Une liane pas si méconnue

Le houblon est une plante vivace grimpante, de la famille des cannabinacées, se développant sous forme de lianes. Seuls les pieds femelles sont cultivés car on récolte la fleur (ou cône) non fécondée. Le houblon est naturellement présent dans des milieux humides et frais, on le retrouve d’ailleurs spontanément le long de nombreux cours d’eau dans le Tarn ! Les lianes, qui émergent au printemps et sont récoltés en fin d’été, peuvent atteindre 10 m de haut. Une structure en treillis est donc indispensable à sa culture : des poteaux d’environ 6-7 m de hauteur supportent un treillis de câbles métalliques à partir desquels des fils en coco sont accrochés pour supporter les lianes.

Plantation

Avant d’envisager un projet de plantation, il faut pouvoir disposer d’une parcelle avec un sol profond, à tendance limoneuse et avec une bonne réserve en eau. L’irrigation est néanmoins indispensable, souvent en goutte-à-goutte, et de l’ordre de 300 mm/an. Les pieds de houblons sont plantés pour minimum 15 ans, voire beaucoup plus. En général, cette opération a lieu à l’automne ou au printemps. L’idéal est de creuser une tranchée et d’installer les plants à une trentaine de cm de profondeur. Les lignes sont espacées d’environ 3 m, et les pieds d’environ 1 m, on obtient donc une densité d’environ 2 500-3 000 pieds/ha. Les pieds peuvent être implantés sous forme de morceaux de rhizomes, de plants en godet ou de racines nues. Il faut compter entre 3 et 6 € par plant. 
Il existe plus de 200 variétés de houblons mais il est recommandé d’en sélectionner entre 3 et 5. Il faut bien sûr cibler les variétés les moins sensibles aux maladies, et celles qui poussent habituellement sous les mêmes latitudes. Bien sûr il faut proposer des variétés qui correspondent aux attentes des brasseurs (profils amérisants, aromatiques…). Par ailleurs de nombreuses variétés récentes appréciées des brasseurs sont protégées par des brevets, il faudra donc attendre leur terme de protection pour les implanter en Occitanie.

Exigences et sensibilités aux bio-agresseurs

Les besoins du houblon sont de l’ordre de 100-150 U d’azote, 80 U de phosphore et 175 U de potasse. Un excès de fertilisation rendra la plante plus appétante pour les maladies et ravageurs. Les apports peuvent se faire via des engrais (chimiques, ou organiques en AB), des effluents d’élevage, des composts, des couverts végétaux… Les principales maladies sont le mildiou (spécifique au houblon) et l’oïdium. Pour les combattre, le soufre et le cuivre sont utilisables en AB. Certains ravageurs tels que les araignées rouges, les pucerons ou les altises peuvent également causer des dégâts. Pour limiter leur présence, des traitements à base de biostimulants (poudre de petit lait) sont possibles en AB. Une biodiversité la plus riche possible permettra également une meilleure régulation par les auxiliaires.

Itinéraire technique

La première étape consiste à tailler les plants en mars/avril au niveau du collet afin d’éliminer la plupart des futures lianes, de retarder leur croissance pour limiter les maladies et de stimuler les racines. Ensuite les fils tuteurs verticaux (généralement en coco) sont accrochés en hauteur aux câbles métalliques et plantés dans le sol au niveau de chaque pied. On peut prévoir 1 ou 2 fils (en V) par pied. En avril/mai on va sélectionner les 3 lianes les plus homogènes, les enrouler autour des fils, et éliminer les autres. Cette opération manuelle est très chronophage. 
Quand le houblon fait 2-3 m de haut, on peut procéder à un buttage pour gérer l’enherbement, enfouir des engrais et stimuler la minéralisation du sol. Certains producteurs choisissent de gérer l’enherbement avec un paillage épais ou en fibres sur la ligne de plantation, ce qui limite également les besoins en eau. Un défanage est réalisé manuellement ou thermiquement pour éliminer les feuilles sur le 1er mètre, afin de limiter les maladies et ravageurs. Un suivi sanitaire doit être effectué tout au long de la campagne avec possiblement des traitements à l’aide d’un atomiseur (essentiellement cuivre, soufre et purins en AB). 
La récolte commence dès mi-août et peut s’étaler jusqu’à fin septembre selon les variétés. Les lianes sont coupées à la base et arrachées du câble avec le fil : toute la partie aérienne est exportée. Enfin, avant l’hiver, les lignes vont être débutées avec un outil spécifique pour favoriser la pénétration du froid et faciliter la taille au printemps. Des couverts végétaux peuvent être implantés en inter-rangs pour une couverture hivernale du sol. 

Tri, séchage et stockage : des étapes cruciales

Les lianes se récoltent quand les cônes atteignent environ 20% de MS, il faut donc aller très vite pour le tri et le séchage afin d’éviter la chauffe et perte de qualité (max 5h). Il faut maintenant séparer les cônes de la liane. Cette opération peut se faire de façon manuelle mais ce n’est pas envisageable pour les structures  de plus de 200 ou 300 pieds. Au-delà il faut prévoir une trieuse (poste fixe). Les cônes ainsi collectés doivent être séchés pour atteindre 10-14% d’humidité. 
Tout l’enjeu est de les sécher rapidement pour éviter les montées en températures, les moisissures et l’oxydation du houblon, mais pas trop fort pour conserver toutes ses propriétés (acides alpha, huiles essentielles…). Enfin, les cônes peuvent être conditionnés sous formes de pellets (pressage à froid permettant d’obtenir des sortes de granulés), format apprécié des brasseurs et permettant un gain d’espace de stockage. Le houblon est stocké en sacs sous vide avec gaz inerte entre 0 et 5°C pour conserver toutes ses qualités aromatiques.

Prix de vente élevé mais gros investissements

On peut espérer produire en agriculture biologique entre 300 et 500 g de houblon sec par pied soit environ 1 t/ha (1,5 à 3 T en conventionnel). Il faut cependant compter au moins 3 à 5 ans pour atteindre le rendement maximal. Le houblon se vend 10-15 €/kg en conventionnel et entre 30 et 50 €/kg en bio. Les charges de production sont estimées à environ 10 000€/ha/an.
La marge semble donc intéressante, mais il faut avoir en tête que de nombreux investissements sont nécessaires pour cette culture spécifique. Bien sûr cela dépend des équipements déjà présents sur la ferme (tracteur étroit, atomiseur, outils de travail du sol…), de l’achat neuf ou d’occasion, et de la dimension de la houblonnière. La partie plants et structures peut représenter 20-25 000 €/ha, pour le matériel de culture et l’irrigation il faut compter environ 30 000 € (y compris le tracteur et avec du matériel d’occasion), et près de 40 000 € pour le matériel de récolte et transformation (matériel en partie d’occasion également). Au final l’investissement représente environ 95 000 € pour 1 ha, il faut donc envisager des structures d’au moins 2-3 ha pour diluer cet investissement. Les trois premières années sont les plus difficiles car il faut faire face aux investissements alors que la production est encore très faible.

Pour plus d’informations sur la culture, n’hésitez pas à contacter : Maëva Colombet – Chambre d’agriculture 81 - 06 52 45 83 01 - m.colombet@tarn.chambagri.fr

Article réalisé avec la participation financière de la Région Occitanie

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